Lettre ouverte au Ministère de l’Education nationale

Ministère de l’Education nationale,

Monsieur Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Education nationale,

Madame Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche,

Je souhaiterais, par la présente, vous faire part de quelques constats regrettables relatifs au fonctionnement de votre administration / vos administrations.

Vivant en Allemagne, ces dysfonctionnements me sont apparus d’autant plus évidents que le métier d’enseignant y fait l’objet d’un plus grand respect qu’en France et que les salaires y sont beaucoup plus valorisants. L’Education nationale manque cruellement de professeurs en raison vraisemblablement de l’absence d’attractivité d’une profession dévalorisée, alors il serait logique de tout mettre en place pour motiver les agents. Malheureusement ce n’est pas le cas, bien au contraire.

Le système de points appliqué aux affectations et qui prend essentiellement en compte la situation familiale en ignorant le profil individuel et la qualité des diplômes des agents titulaires est profondément injuste et contraire aux exigences de la profession.

Des affectations arbitraires ne correspondant ni aux vœux émis, ni aux compétences des professeurs (par ex. affectation d’agrégés en collège ou de professeurs débutants en ZEP) s’opposent au bien-être social et à une utilisation pertinente des ressources humaines. Et pourtant ces faits ne sont pas des exceptions, cependant les motifs justifiant ces pratiques m’échappent.

Des demandes de disponibilité ou de détachement motivées par l’acquisition de nouvelles compétences profitables à la qualité de l’enseignement se voient refusées pour ‘nécessités de service’ (à mon sens un terme fourre-tout à peine défini qui ouvre les portes à l’arbitraire).

Ces refus abusifs s’opposent au droit individuel à l’évolution de carrière. Dans le pire des cas, le refus n’est pas notifié, et ce afin sans doute que le demandeur ne puisse faire usage de son droit de contestation et saisir la commission paritaire. Pris de court et menacé de radiation sous 48 heures (pour soit-disant ne pas avoir réagi à un courrier qu’il n’a jamais reçu et qui peut-on supposer n’a jamais été envoyé), il ne lui reste que 2 alternatives : obtempérer sur le champ (mission impossible dans le cas d’une affectation dans une autre académie impliquant un déménagement) ou démissionner. Ces méthodes d’intimidation sont pour le moins choquantes et indignes d’une démocratie libérale.

Et même le recours ultime de l’enseignant désemparé, à savoir la démission, est soumis à l’acceptation de l’administration qui en fait une procédure humiliante. Appliquer des sanctions contre des pédagogues censés transmettre le savoir et motiver les élèves est pour le moins paradoxal. A chacun d’apprécier la réussite des systèmes autoritaires…

Actuellement ce sont essentiellement les professeurs d’Allemand (devenus une denrée rare) qui font les frais de cette stratégie contre-productive, or le manque d’anticipation est imputable à l’administration et non aux professeurs. Le fait est qu’au cours des dernières années, la langue allemande a été boudée et que les professeurs sortants ont bien du mal à être remplacés, faute de candidats. Alors pour cacher la misère, les jeunes enseignants sont sacrifiés aux ‘nécessités de service’ dans ‘l’intérêt général’, leurs intérêts personnels n’entrant pas en ligne de compte. C’est ainsi que la France gâche ses potentiels en formant une élite intellectuelle (agrégés / docteurs) qui aurait sa place dans les universités mais qu’on envoie en remplacement en collège ou lycée de banlieue. Ce n’est pas vraiment l’aboutissement idéal de 8 années d’études supérieures. Malheureusement, je crains que ces malheureux candidats ne fassent pas monter le niveau mais qu’ils soient au contraire entraînés vers le fond pour ne trouver leur salut que dans la démission, malgré ses contraintes et ses risques. Quel gâchis !!!

Il ne faut guère s’étonner alors que la compétitivité française soit en souffrance, poussant ses talents à partir à l’étranger où ils espèrent être mieux traités, ce qui dans le cas des professeurs est fort probable, sachant que les enseignants français sont les plus malmenés d’Europe comme en témoignent de nombreuses études.

Aussi, j’espère que la volonté de réforme du nouveau gouvernement s’étendra à l’Education Nationale,  afin de mettre fin à ces abus et ces injustices – dont ma fille fut une récente victime après que le rectorat de Versailles a mis fin en une seule journée à une carrière prometteuse – et que cette profession ne soit plus en proie à un malaise permanent, qu’elle bénéficie enfin de la reconnaissance qui lui revient ainsi que de la flexibilisation qui s’impose pour se hisser à un niveau honorable, l’éducation étant l’un des piliers de l’évolution sociétale et du rayonnement de la France à l’étranger.

Comptant sur le dynamisme des réformes engagées sur le marché du travail et la même volonté de réforme de vos deux ministères,  je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur le Ministre,  l’expression de ma considération distinguée.

ITT